De nouvelles pratiques managériales, au sein desquelles les échelons hiérarchiques sont réduits au maximum, se sont installées en entreprise ces dernières années. Simple effet de mode ou nécessité de transformation indispensable des organisations de travail conventionnelles ?
Le point sur les atouts et les limites d’un management transversal en entreprise, avec l’expertise de Laure Charbonneau, Directrice chez Robert Half.
Qu’entend-on par « organisation horizontale » ?
Un management horizontal prend le contrepied du modèle hiérarchique traditionnel, qui repose sur une verticalité dans les rapports de travail, où la direction et les managers prennent les décisions. Ces décisions sont ensuite suivies par les collaborateurs dont le niveau hiérarchique est inférieur.
Cette organisation traditionnelle est aussi appelée « descendante ».
Dans le cadre d’une organisation horizontale (ou transversale), le travail se fait par équipes ou projets, dans des cercles de travail, où tous les collaborateurs participent au même niveau à la croissance de l’entreprise et à son innovation. Le management transversal repose sur la coopération et le manager devient un « facilitateur », un accompagnateur, et un garant que les décisions prises soient en phase avec la stratégie et la culture de l’entreprise.
Cette nouvelle approche de management s’applique bien à de petites structures, de type start-ups, mais peut tout à fait trouver du sens dans des entreprises plus grandes, pour faciliter la mise en place de modes de travail collaboratifs.
Ce type de management est très plébiscité aujourd’hui par les salariés, il participe grandement aux critères de choix d’un candidat d’une entreprise plutôt qu’une autre, ou d’un salarié de rester dans son entreprise, comme le démontre l’enquête « Ce que veulent les candidats » 2025 de Robert Half : 15% des salariés en recherche d’emploi citent « le conflit avec leur manager » comme motif de départ, et 37% citent « Un bon relationnel avec votre manager / équipe » comme raison pour rester dans une entreprise.
Le management joue aujourd’hui un rôle prépondérant en termes de rétention des talents.
Les bénéfices d’une organisation transversale
Adopter une organisation de travail horizontale, même si ce n’est que sur certains projets, présente de nombreux avantages :
L’évolution du marché du travail ces dernières années a obligé les dirigeants à repenser leurs modes de collaboration, en instaurant de nouveaux modèles. Pour faire face, les entreprises ont dû se réorganiser rapidement, en impliquant l’ensemble de leurs équipes, et en initiant des réflexions collectives. « Embarquer » les équipes dans la stratégie de l’entreprise requiert de la transparence de la part des dirigeants sur les informations à communiquer, mais aussi de la confiance envers leurs collaborateurs.
"Une organisation horizontale permet d’impliquer les collaborateurs dans la prise de décision et de donner du sens à leurs missions au quotidien en les impliquant. Ce sens donné constitue aujourd’hui indéniablement un levier d’attractivité et de rétention des meilleurs talents.
Selon le baromètre de Robert Half « Ce que veulent les candidats », 45% des sondés indiquent être devenus plus exigeants sur le « sens de leur travail » au cours des 12 derniers mois. Dans la même optique, 26% des sondés citent « une quête de sens dans leur travail » comme raison qui les poussent à changer d’entreprise."
Laure Charbonneau, Directrice chez Robert Half
Grâce au management transversal, les collaborateurs impliqués dans un projet commun verront l’impact de leurs actions à plus grande échelle, ce qui donnera du sens à leurs missions quotidiennes.
C’est un excellent moyen d’améliorer la flexibilité dans la prise de décisions : celle-ci ne repose plus sur une seule personne, le manager, mais sur l’ensemble des collaborateurs impliqués dans le projet.
Cela permet d’augmenter l’implication des salariés : ils sont désormais partie prenante dans le développement de la stratégie de l’entreprise, ce qui est fondamental pour fidéliser les équipes. Par ailleurs, cela peut être l’occasion de révéler le potentiel de certains collaborateurs sur des compétences pour lesquelles on ne les sollicite pas habituellement (projets communs entre différents départements de l’entreprise).
La cohésion entre les équipes est renforcée : la communication entre les différents départements acteurs du projet étant favorisée, quel que soit leur niveau hiérarchique, cela facilitera les interactions entre les collaborateurs. Cette démarche est beaucoup plus efficace que le simple décloisonnement des bureaux par exemple. Un management transversal permet une collaboration renforcée et des réflexions communes.
« Favoriser la collaboration par un management transversal au quotidien signifie que les salariés interagissent régulièrement entre eux, entre équipes et départements. Ce qui facilite considérablement la réussite des projets communs le jour venu. »
Laure Charbonneau, Directrice chez Robert Half
Les projets transversaux ont souvent une issue bien plus performante que les projets classiques, car des compétences et points de vue différents apporteront de nouvelles perspectives aux projets.
Pour que ce modèle managérial fonctionne et apporte de la valeur ajoutée à l’entreprise, les dirigeants doivent avant tout être convaincus du modèle pour l’instaurer et le pérenniser. Repenser les modèles organisationnels et décisionnels requiert patience, conviction, et persévérance.
Organisation horizontale : quelles limites ?
Une organisation de travail transversale nécessite de la vigilance sur ces points :
Les managers, devenus des « coordinateurs » dans le cadre d’un management transversal, doivent être en phase avec leur nouveau rôle, à savoir faciliter la vie de leurs collaborateurs, et être le relais de communication entre eux et la direction. Une formation et un suivi par des coachs spécialisés sont essentiels pour les accompagner dans cette nouvelle définition de leur fonction. Pour autant, le manager n’est pas écarté des prises de décision.
Le manager enfile une nouvelle casquette, celle de « coach » : il aide à définir, facilite les échanges et révèle les points forts des collaborateurs pour qu’ils travaillent le plus efficacement.
Qui dit organisation horizontale ne dit pas pour autant que l’on ne doit plus travailler avec un certain cadre : il ne faut pas l’oublier, au risque que cela tourne au fiasco. Des règles précises doivent régir l’organisation, ainsi qu’un code moral et éthique, pour que tout le monde collabore en bonne intelligence.
L’organisation horizontale peut parfois entraîner un manque de vision claire et de gros écarts entre réflexion et mise en application. Pour éviter cela, les décideurs finaux pour chaque projet doivent être clairement identifiés.
Certains collaborateurs peuvent d’ailleurs se sentir mal à l’aise avec la prise de décision, et cela ne doit pas pour autant poser de problème, tant que ce paramètre est affiché dès le départ. Ne pas décider ne doit pas pour autant freiner l’échange d’idées et d’opinions.
Cette organisation horizontale requiert davantage de temps qu’une structure verticale : partager les idées, brainstormer, regrouper les agendas des uns et des autres, font que la prise de décision est plus longue.
Comment mettre en place un management transversal ?
Voici quelques incontournables si vous souhaitez développer une structure de travail horizontale :
Soigner la communication : c’est la priorité absolue, surtout lors de périodes de transformation.
Vous devez être enclins à transmettre toutes les informations et instaurer de la transparence avec vos équipes. C’est la garantie de diffuser la vision de l’entreprise à tous et que les objectifs soient connus et compris par l’ensemble des collaborateurs.
Déléguer avec pertinence : au sein d’une structure transversale, chacun aura voix au chapitre mais cela n’empêche pas de désigner un facilitateur/chef de projet/coordinateur à qui les collaborateurs pourront se référer.
Cette personne accompagnera son équipe, notamment dans la résolution des conflits éventuels, mais aussi pour s’assurer que les règles fonctionnelles soient respectées par tous. Les salariés ne doivent pas se sentir livrés à eux-mêmes.
Accepter que davantage de temps soit passé sur chaque projet.
Veiller à ce que chacun ait la parole, car tous les collaborateurs n’ont peut-être pas la même aisance orale. Cette organisation nécessite de la bienveillance.
S’assurer de ne pas perdre de vue l’objectif premier des projets.